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    Conference mondiale sur l’enseignement supérieur UNESCO, les 5 – 9 octobre 1998

    Intervention du Professeur Carlo Alberto MASTRELLI, Président de l’IAUPL à l’UNESCO

    World Conference on Higher Education in the Twenty-first Century:

    Vision de l’Enseignement supérieur au XXIe siècle: vision et actions, v. 5:

    Plénière; Association internationale des professeurs et maîtres de conférences des universités (IAUPL)

    Allocution du Professeur Carlo Alberto Mastrelli Président de l’IAUPL

    Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Délégués,

    Notre organisation voudrait faire part de son opinion sur cinq points qui relèvent des débats de la présente Conférence.

    1°- En premier lieu nous voulons saluer l’initiative du Directeur général, notre collègue le professeur Federico Mayor, de convoquer cette Conférence. Ceci répond à une suggestion que nous avions formulée il y a plusieurs années devant la Conférence Générale.

    Membre fondateur de la Consultation collective des ONG de l’enseignement supérieur, notre organisation a participé à la réflexion menée au sein de cette instance en vue de la Conférence mondiale. Les méthodes de travail retenues ont permis à des organisations de préoccupations, de tailles et de statuts différents de débattre en toute sérénité des grands problèmes posés par l’évolution des systèmes d’enseignement supérieur. Ces débats ont indiqué les voies à suivre pour traiter, sans démagogie ni mépris, de situations nouvelles tout en respectant des traditions séculaires visant à l’excellence. Nous formulons des vœux afin qu’il en soit de même pour le suivi de la Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur auquel nous proposons d’apporter notre contribution active.

    2°- En second lieu nous voudrions rappeler, l’importance de la Recommandation sur la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur adoptée par la 29ème session de la Conférence générale. Ce texte fait désormais partie des textes de référence pour tous les universitaires notamment en ce qui concerne le statut des Professeurs et Maîtres de Conférences ainsi que leur place et leur rôle dans la société. Ce texte était nécessaire.

    En effet les Professeurs et Maîtres de conférences des universités constatent la dévalorisation de leur statut moral, social et économique. Ils subissent tous les jours les conséquences de la massification et de la diversification des universités parce que ces mouvements n’ont pas toujours été accompagnés par la mobilisation de moyens suffisants. Les universitaires s’inquiètent du traitement technocratique des problèmes de l’enseignement supérieur qui privilégient les calculs de relations coûts/efficacité et aboutissent à la bureaucratisation croissante de la vie universitaire.

    Ils veulent aussi attirer votre attention sur l’irréalisme de certains discours à prétention pédagogique qui font des nouvelles technologies de l’information et de la communication les substituts exclusifs des enseignants-chercheurs.

    Les professeurs d’universités veulent aussi rappeler que, dans certains pays ou dans certaines circonstances, ils subissent des pressions politiques, confessionnelles, religieuses marquées par le fanatisme qui interdisent, par exemple, l’accès à l’université de certaines catégories de populations ou qui préconisent le renvoi de certains professeurs.

    Ils dénoncent l’utilisation de l’université à des fins partisanes et polémiques, parfois violentes et toujours incompatibles avec l’enseignement et la recherche marqués du sceau de l’humanisme.

    On comprend alors l’importance de la Recommandation sur la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur qui, dans son application, doit implicitement au moins prendre en compte les lois, les coutumes et les traditions nationales dans ce qu’elles ont de meilleur pour renforcer le caractère nécessairement divers et universel, pacifique et tolérant de la vie académique.

    3°- Dans le prolongement de cette Recommandation, nous pensons que l’UNESCO devrait s’attacher à élaborer un texte spécifique sur la liberté académique, conçue non pas comme un ensemble de droits, mais comme un ensemble de droits et de devoirs.

    Un texte acceptable par la communauté internationale, pourrait notamment rappeler la spécificité des fonctions magistrales dans les universités et rappeler la spécificité des universités au sein des systèmes d’enseignement supérieur. Car nous pensons qu’on ne peut pas indifféremment dénommer université une institution qui n’aurait pas certains caractères distinctifs et non équivoques, notamment en ce qui concerne la liaison entre la recherche, l’enseignement et l’autonomie de gestion. Nous comprenons les soucis des gouvernements ou des pouvoirs organisateurs des universités face aux défis posés par la massification de l’enseignement supérieur, par les exigences du marché de l’emploi et par la demande sociale en général. Mais nous estimons de notre devoir de souligner que la référence à la qualité doit primer sur la référence à la quantité et que la pertinence ne s’apprécie pas seulement à court terme. A cet égard si, en raison du progrès scientifique et technique d’une part, et des évolutions économiques et sociales d’autre part, nous nous rallions au principe de l’éducation tout au long de la vie, nous ne saurions accepter que ce principe se substitue au principe de bon sens suivant lequel l’enseignement supérieur doit d’abord être accessible sur la base du mérite et des capacités intellectuelles de chacun.

    L’évaluation des systèmes d’enseignement supérieur et particulièrement des universités ne saurait, en ce sens, se fonder principalement sur des ratios prenant en compte le rapport entre le nombre de diplômés et le nombre d’enseignants-chercheurs de chaque établissement. S’il est légitime que la communauté universitaire rende des comptes sur l’utilisation des moyens mis à sa disposition par la collectivité, il serait désastreux que l’évaluation des enseignements voire des enseignants ne prenne pas en considération tous les éléments qui, dans le respect des personnes et des libertés académiques, fondent l’existence de ces communautés universitaires.

    Qu’on veuille bien à cet égard se souvenir des effets différés des processus de formation. Qu’on veuille bien aussi se souvenir que l’on a vu, au cours de ce siècle, les conséquences scientifiques et sociales de politiques universitaires cédant à la prégnance d’écoles de pensée univoques et totalitaires.

    Pour minimiser les influences des phénomènes de mode dans l’évaluation des systèmes d’enseignement supérieur nous pensons que l’évaluation des enseignements et des enseignants doit d’abord être le fait de spécialistes aux compétences scientifiques au moins égales à ceux qui sont évalués.

    4°- Permettez-nous en quatrième lieu de souligner l’importance des dispositions concernant la coopération internationale telles qu’elles sont évoquées par le projet de cadre d’action prioritaire et notamment le projet “universitaires sans frontières”. La mise en œuvre d’un tel dispositif, que nous avons appelé de nos vœux au cours des dernières sessions de la Conférence générale, répond non seulement aux besoins de certaines universités, mais serait aussi de nature à renforcer la fraternité académique internationale.

    5°- Nous voudrions enfin terminer par quelques réflexions d’ordre plus général en rappelant qu’il y a près de dix ans, à Berlin, s’écroulait le symbole d’un système totalitaire qui prétendait conquérir et régenter le monde. Nous avions dénoncé les atteintes portées aux libertés académiques par ce système dans lequel la plupart de nos collègues se sont appliqués, au prix des pires difficultés et parfois au prix de nécessaires concessions, à mener des travaux scientifiques de qualité et à former des générations d’étudiants qui bénéficient maintenant de la liberté.

    Aujourd’hui nous constatons cependant que d’autres dangers menacent. Il s’agit d’abord d’une mondialisation fondée sur le profit et sur le mercantilisme comme sur la négation des identités culturelles. Ce mouvement entraîne des réactions prenant la forme de la xénophobie et du racisme. Il s’agit parfois aussi d’une véritable manipulation médiatisée de la mémoire des peuples et des hommes, notamment dans les pays affectés ou ayant été affectés récemment par des conflits armés. La présente Conférence, dans sa préparation et dans son déroulement, n’a pas pu faire l’économie d’une réflexion sur l’Humanisme du siècle futur. Qu’il nous soit alors permis ici de rappeler que l’Université n’a pas à se substituer aux carences des familles, ni à celle des services sociaux. Qu’il nous soit permis de rappeler que l’on ne peut pas demander à l’Université de former des citoyens libres et responsables quand le trafic, la corruption et la concussion deviennent les normes de référence. Qu’il nous soit permis de rappeler qu’il est difficile d’enseigner le respect des Droits de l’Homme quand la violence physique et psychique, l’injustice économique, le fanatisme religieux ou idéologique, la vulgarité médiatique sont érigés en système.

    Qu’il nous soit enfin permis de rappeler qu’il est vain de parler d’Humanisme, si l’on ne commence pas par ériger en principe intangible le respect de la vie et de la personne humaine.

    Mesdames et Messieurs les Délégués qui représentez les États et les gouvernements soyez persuadés que l’immense majorité des universitaires accomplit tous les jours, avec foi, conscience et dignité, les hautes missions que la société leur confie.

    Acceptez aussi d’entendre dire qu’il vous appartient, politiquement, de créer les conditions matérielles et éthiques pour que ces universitaires participent pleinement à la construction d’une société meilleure, plus juste et plus fraternelle.

    Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président, je vous remercie.